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Discours de Andros Kyprianou, Secretaire General du C.C. d’ AKEL, lors de la session “Chypre et l’energie, paix et prosperité dans la region”

Parlement Européen, Bruxelles

Le 25 Février 2015

 

GUE hearing AkelPermettez-moi d’exprimer notre joie de nous trouver une nouvelle fois au Parlement Européen pour une importante réunion organisée pour notre pays. Je tiens à remercier le Groupe de la Gauche, et personnellement sa présidente  Gaby Zimmer, qui organise et participe à cette réunion conjointement avec nous.

Les récentes évolutions de la question chypriote sont extrêmement préoccupantes. Il y a maintenant six mois environ que le processus de négociation a été suspendu à cause des actions provocatrices de la Turquie dans la Zone Economique Exclusive de la République (ZEE) de Chypre.

Cyprus and Energy HearingComme vous le savez, la Turquie convoite une grande partie de la partie nord-occidentale de la ZEE, en considérant qu’elle lui appartient, ce qui est une erreur fondamentale. Dans le passé, la Turquie a, de manière répétée, procédé dans cette Région à des actions concrètes qui violaient le Droit International de la Mer.  Toutefois, les récentes provocations sont plus graves que toutes celles commises dans le passé.

Cette fois-ci la Turquie a dépassé les bornes. Elle a fait un pas de plus et a émis deux NAVTEX successifs qui désignent certaines régions de la ZEE de la République de Chypre comme des régions ne faisant pas partie de celle-ci, mais constituant une zone économique exclusive du pseudo-Etat implanté sur les territoires chypriotes occupés par la Turquie. Bien entendu, elle omet de dire que ce pseudo-Etat est une entité illégale, qui n’est reconnue par aucun Etat du monde, sauf par la Turquie elle-même.  Tous les autres Etats du monde reconnaissent que les zones occupées, donc la ZEE également, appartiennent à la République de Chypre.

Mais la Turquie n’en est par restée là, elle est allée encore plus loin. Elle a également procédé à une troisième action, car pour la première fois elle a désigné en particulier une partie de la ZEE de la République de Chypre, qu’elle n’avait jamais contestée ou convoitée dans le passé, ni pour elle-même, ni pour le pseudo-Etat. Je veux parler de la partie de la ZEE faisant face aux rives méridionales de la République de Chypre. Plus précisément, la Turquie a désigné la partie la plus grande de la ligne côtière de la République de Chypre, qui est ouverte sur nos eaux territoriales et fait face aux forages de la Société ENI-KOGAS actuellement en cours d’exécution.

Cette provocation intolérable de la Turquie affecte objectivement le processus de négociation, une provocation qui est  d’autant plus inacceptable qu’elle a eu lieu la veille du début d’une importante session de pourparlers en Octobre dernier, dont le déroulement et la méthodologie avaient déjà fait l’objet d’un accord. La Turquie savait, ou du moins aurait du savoir, que par ses agissements elle provoquerait la suspension des négociations.

Ici, je voudrais souligner que la suspension est une chose et l’arrêt définitif des négociations en est une autre totalement différente. Notre position de toujours est que les pourparlers intercommunautaires, sous les auspices et dans le cadre de l’ONU,  sont la seule voie permettant de résoudre la question chypriote. Etant donné que pour AKEL la solution de cette question  est de la plus haute priorité, nous n’aurions jamais consenti à mettre fin au processus de négociation.

A notre avis, la suspension des négociations était impérative, afin que chacun puisse prendre conscience que des agissements de cette importance non seulement ne favorisent pas les efforts déployés pour une solution de la question chypriote, mais au contraire leur nuisent gravement. Je ne me réfère pas seulement au processus de négociation en tant que tel. Parmi d’autres effets néfastes, ces agissements provoquent des sentiments justifiés de déception et de méfiance au sein de la communauté gréco-chypriote concernant les objectifs réels de la Turquie. Par conséquent, j’adresse un appel à tous ceux qui sont en mesure d’exercer une influence sur la Turquie. C’est la Turquie, et non le Président ANASTASIADES, qui a amené le processus de négociation au point, extrêmement indésirable, de sa suspension. C’est la Turquie qui a exacerbé la crise et c’est la Turquie qui doit la désamorcer. La tâche principale est de trouver le moyen d’annuler les agissements provocateurs de la Turquie, afin que la reprise des négociations devienne possible, sans humilier l’une ou l’autre des parties.

Quel a été l’objectif de la Turquie en agissant ainsi ?

– D’abord, elle a voulu faire savoir que l’utilisation du gaz naturel ne peut pas se faire sans qu’elle y participe elle-même.

– Ensuite, elle a cherché à obtenir, par chantage, une solution de la question chypriote qui soit totalement conforme à ses propres intérêts.

La position d’AKEL est très claire. Nous sommes prêts pour une solution de la question chypriote à tout moment ; toutefois pas pour n’importe quel genre de solution. Nous voulons une solution juste, acceptable et viable, comme celle préconisée par les Résolutions de l’ONU en la matière, les Accords de Haut Niveau, le Droit International et Européen. Nous n’abandonnerons pas notre droit souverain d’utiliser notre richesse naturelle. Si la Turquie veut devenir un partenaire potentiel de cette procédure, elle devra coopérer avec nous pour trouver une solution de la question chypriote le plus rapidement possible.

Pourquoi la Turquie a-t-elle pensé qu’elle pouvait se livrer à une telle provocation, sans que la communauté internationale réagisse fortement ? Parce qu’elle a considéré que les conditions actuelles lui étaient favorables pour demander à être récompensée pour ses intentions déclarées  — qui jusqu’à présent en sont restées au stade d’intentions  —  d’assumer un rôle reconnu dans le combat contre « l’Etat Islamique ». De toute évidence, la Turquie considère que la communauté internationale dépend totalement d’elle et ne sera donc pas en mesure d’empêcher efficacement ses agissements.

Cependant, il y aussi d’autres raisons pour lesquelles la Turquie a décidé d’entreprendre une action illégale d’une telle importance. Pour comprendre ces raisons, je pense qu’il est nécessaire de faire une brève récapitulation du passé récent.

Nous avions toujours dit que la seule voie réaliste pour que nos compatriotes Turco-Chypriotes  bénéficient eux-aussi du gaz naturel était la solution de la question chypriote.  En notre qualité de parti AKEL,  nous faisons le maximum pour y parvenir.  Pendant la Présidence de  DEMETRIS CHRISTOFIAS nous avons démontré qu’il était possible d’avancer. Nous avions cherché et nous avons trouvé un accord avec TALAT sur le problème des zones maritimes. Toutes les zones, y compris la ZEE, relèveront de la  compétence fédérale.

Ce point de convergence est bénéfique pour les deux parties, car :

– d’une part il sauvegarde la souveraineté unique,  la personnalité internationale unique de la future République Fédérale et

– d’autre part il garantit que tous les problèmes importants seront soumis à la cogestion.

En  ajoutant à cela le point de convergence selon lequel les ressources naturelles, qui par définition comprennent le gaz naturel, relèveront elles-aussi de la compétence fédérale, ainsi que le point de convergence sur la répartition des revenus fédéraux, il est clair que la solution de la question chypriote résoudra à la racine  le problème du gaz naturel,  – à condition que tous les points de convergence précités soient respectés. C’est cela la réponse la plus convaincante à la Turquie qui affirme que le gaz naturel appartient aussi aux Turco-Chypriotes.

Cependant ce n’est pas tout. Trois chapitres avaient fait l’objet d’un accord presque total entre CHRISTOFIAS et TALAT :

– la Gouvernance et le  partage du pouvoir,

– les questions concernant l’économie et

– les relations avec l’Union Européenne.

Au-delà, vous savez parfaitement que la raison pour laquelle aucun progrès n’a été enregistré sur la partie restante de ces chapitres a été l’insistance de la partie turco-chypriote de ne pas discuter globalement la question territoriale tant que l’accord sur les autres chapitres n’avait pas été totalement parachevé. Cela a inévitablement empêché toute avancée sur la question territoriale, laquelle est inextricablement liée à la question de la propriété, le chapitre de la sécurité étant renvoyé à une rencontre multilatérale.

Lorsque M. EROGLOU se trouvait à la tête de la communauté turco-chypriote il a détruit les points de convergence obtenus auparavant et il est généralement attesté que c’est lui qui a conduit les négociations dans une impasse, dont il est le seul responsable. Dans ces conditions, la Turquie a estimé qu’il était difficile d’accepter d’autres points de convergence, tels que le dernier cité.

La suite est connue. Lorsque M. ANASTASIADES a gagné les élections présidentielles, AKEL a, dès le début,  appelé tout le monde à poursuivre les négociations à partir du point où elles avaient été suspendues. Nous avons mis en garde sur le fait que repartir de zéro aurait pour effet d’éterniser le processus de négociation et de le rendre improductif, ainsi que de courir le risque que la partie turco-chypriote revienne sur des positions partitionnistes, lesquelles avaient été exclues au moment où des convergences avaient été obtenues. Selon notre analyse finale, si nous repartons de zéro, soit  nous serions conduits dans une impasse, soit certains « bien-pensants » trouveraient un terrain fertile pour tenter d’imposer une solution à leur propre convenance et servant leurs propres intérêts.

Deux années sont passées depuis et malheureusement les évènements confirment les craintes que nous avions exprimées alors. Le processus qui a été suivi a eu pour résultat d’élargir le fossé entre les deux parties. EROGLOU, sûr de lui, s’est transformé en un avocat passionné des convergences, accusant la partie gréco-chypriote de les avoir détruites. Dans le même temps, il a remis sur la table  des positions partionnistes qui avaient été refusées lors des sessions de convergence.

Je répète qu’AKEL maintient sa position de toujours, à savoir que la négociation aurait dû continuer à partir du point où elle a été suspendue et que les questions essentielles pendantes doivent être discutées. Mais, puisqu’il n’a pas été possible de trouver un quelconque dénominateur commun sur les points de convergence, on pouvait  au moins s’attendre à une tentative pour sortir de l’impasse d’une manière ou d’une autre. Or, il a été convenu que la discussion sans fin sur les convergences obtenues serait abandonnée et que l’on discuterait seulement des questions cruciales pendantes.

AKEL a dit nettement, de manière répétée, qu’elle soutenait le processus de négociation, car il est le seul moyen de trouver une solution à la question chypriote. C’est pourquoi, malgré que nous  considérions que la procédure convenue, qui ne tient pas compte des points de convergence, soit inappropriée, nous ne pouvions pas être en désaccord avec sa reprise, car un tel désaccord aurait conduit à un échec non seulement des bases obtenues, mais aussi du processus en cours.

Actuellement, ce qui est le plus urgent est de  répondre aux provocations de la Turquie, de réfuter les « faits accomplis »,  afin que le processus de négociation puisse reprendre.  A cette fin, AKEL a soumis une proposition globale, essentiellement centrée sur la reconfirmation des points de convergence, mais présentant aussi des points pouvant sérieusement motiver la communauté turco-chypriote, et même la Turquie.

Pour diverses raisons notre proposition n’a pas été prise en compte. Cependant, pour être honnête, je dois mentionner qu’au cours des évènements le Président  ANASTASIADES a inclus ces éléments principaux dans ses propres propositions successives, qui ont été soumises avant le renouvellement du NAVETEX turc au début de cette année. En outre, il a fait un autre pas et a accepté de discuter de la question des hydrocarbures au cours de la séance finale des négociations, ce qui a provoqué des réactions justifiées sur le front interne.

La découverte d’hydrocarbures dans la Zone Economique Exclusive de Chypre offre la possibilité à notre pays de figurer sur la carte des producteurs énergétiques de la planète, de devenir un facteur de paix dans notre Région. Le gaz naturel de Chypre, ensemble avec d’autres réserves de la Région, ouvre à notre pays la perspective de contribuer substantiellement à la sécurité énergétique de l’Union Européenne.

Prenant en considération que les deux tiers du gaz naturel consommé par l’Union Européenne sont importés et que de jour en jour ses besoins augmentent, de même que sa dépendance de ses deux fournisseurs principaux, il est  évident que l’UE veut non seulement préserver ses réserves, mais aussi augmenter ses approvisionnements. C’est la raison pour laquelle Chypre aura un important rôle à jouer, compte tenu également du facteur « distribution géographique ».

Des forages exploratoires et confirmatifs, opérés par la Société NOBLE,  ont désormais certifié la présence de gaz naturel dans le Bloc 12. En outre, un forage exploratoire est actuellement en cours par les sociétés ENI/KOGAS  et des contrats ont été signés pour de nouveaux forages exploratoires.

Au cours des deux dernières années nous avions eu un certain nombre de résultats négatifs dans la recherche de gaz naturel, notamment la non-détection de réserves exploitables dans le Bloc 9 par les sociétés ENI/KOGAS et  l’incapacité de TOTAL à trouver des structures géologiques forables dans les Blocs 10 and 11. Ces évènements ne sont pas satisfaisants, néanmoins ils ne doivent pas être considérés comme la fin des efforts de recherche et d’exploitation du gaz naturel de notre pays. L’expérience internationale démontre qu’il faut beaucoup d’efforts, de temps et de tentatives inabouties pour parvenir à un résultat.

La position d’AKEL est que la confirmation de la présence de réserves d’hydrocarbures dans la ZEE n’est pas importante en elle-même. Ce qui est important, c’est la manière dont elles seront utilisées et commercialisées au bénéfice du peuple.

Bien que le gouvernement actuel ait procédé au détournement et à l’inversion de certaines actions et du plan global déjà existant sur les moyens d’utilisation du gaz naturel de la Région, en tant qu’AKEL nous insistons sur le fait qu’il reste des possibilités et des opportunités pour Chypre de devenir une plate-forme énergétique dans la Région. Nous pressons le gouvernement d’agir avec plus de détermination et de consistance dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme stratégique global ; un programme qui comprendra l’utilisation optimale des réserves confirmées dans le Bloc 12, mais aussi de toutes les nouvelles  réserves qui seront découvertes à l’avenir.

Nous n’oublions pas que la Turquie a l’ambition de devenir le convoyeur de gaz naturel vers l’Union Européenne. Les découvertes de gaz dans notre Région ont une énorme  importance dans ces projets. En notre nom d’AKEL, nous déclarons catégoriquement que tout projet, envisagé éventuellement par certains milieux et certaines forces, de transporter le gaz naturel chypriote vers l’Union Européennes à travers des gazoducs venant de Turquie, ne peut pas faire l’objet d’une quelconque discussion aussi longtemps que la question chypriote reste sans solution et tant que la Turquie continue d’occuper illégalement le territoire chypriote. Ce n’est que lorsque la question chypriote aura trouvé sa solution que de telles opérations pourront être discutées et qu’une décision pourra être prise sur leur faisabilité économique et technique.

Les récents développements démontrent une nouvelle fois la nécessité pressante d’une solution de la question chypriote :

  • une solution qui assurera le retrait des troupes d’occupation et des colons ;
  • une solution bizonale, bicommunautaire, avec égalité politique, conforme aux résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU en la matière;
  • une solution qui sauvegardera :
  • une souveraineté unique,
  • une personnalité internationale unique et
  • une citoyenneté unique,
  • ainsi que le respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales de tous les citoyens de la République unie de Chypre.

J’adresse un appel à tous : continuez à nous soutenir dans notre difficile et juste combat.

La solution de la question chypriote, dans le cadre évoqué plus haut, est de l’intérêt des deux communautés, mais aussi de l’intérêt de la Grèce, de la Turquie et de tous les peuples de notre Région tourmentée.

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